Le 26 mai 1997, après une période consacrée à des travaux de mise en place et à des formalités à suivre, la Sociedade Galega de Historia Natural (désormais SGHN) a demandé aux institutions concernées (en l’occurrence le Ministère de l’Environnement espagnol et les conseils régionaux de Castilla-León et Galice) la création d’un projet d’aménagement des Sierras de Courel et d’Enciña visant le classement de ce territoire en Parc Naturel. La SGHN a fait également parvenir cette demande, ainsi qu’une lettre de motivation, aux élus des seize municipalités des provinces de León, de Lugo et d’Ourense qui tireraient profit de ce classement.
De par son étendue (87 400 ha, dont 65 345 se trouvent en Galice) et son incontestable intérêt du point de vue de la nature, ce serait l’espace protégé le plus remarquable de Galice et aurait un caractère bien propre à lui sur le réseau des espaces naturels du nord ouest ibérique. Le parc naturel qui fait l’objet de la demande embrasse les Sierras du Courel, d’Oribio et de Rañadoiro, les sierras du Bierzo Léonais dont les limites touchent à la province de Lugo au sud de la N-VI, aux Sierras de Cereixidos, des Caballos, d’Enciña da Lastra et aux Montes de Oulego.
À l’origine de cette initiative de la SGHN visant à promouvoir le classement du Parc Naturel des sierras de Courel et d’Enciña da lastra, il y a le souci du développement durable, économique et écologique de cet espace naturel, dans la certitude que la préservation de l’environnement en général, et de ces montagnes en particulier, va de pair avec l’amélioration de la qualité de vie de ses habitants.
Les atouts du point de vue géologique et géomorphologique
Les Sierras de Courel et d’Enciña da Lastra composent une unité biogéographique naturelle et les raisons qui sont à la base de la demande de classement de ce territoire en Parc Naturel sont tout évidentes :
Ce sont des espaces à spécificité géomorphologique et géologique :
- Les formations glaciaires et périglaciaires de faible altitude y sont extrêmement riches, notamment les vallées de Seara, Visuña et Romeor, où se trouvent des dépôts et des formes d’origine glaciaire ; à cet égard il faut remarquer aussi la Laguna Lucenza, située en amont de la vallée Romeor.
- Les formations karstiques dont rendent compte de beaux exemples de paléokarst, des grottes, des puits et des émergences.
- Les escarpements calcaires qui y rendent le paysage si beau (dont Pena Falcoeira, sur l’image de gauche).
- L’originalité du modelage fluvial, tellement peu modifié par l’action anthropique.
Les atouts du point de vue botanique
Leurs atouts du point de vue botanique sont uniques sur l’ensemble de la Péninsule Ibérique :
- L’énorme diversité de leur flore : plus de 1000 espèces de plantes vasculaires, soit environ 50% des espèces en Galice sur juste 2% de la superficie de cette région
- La présence de deux endémismes exclusifs (Petrocoptis grandiflora et Rhamnus legionensis), deux espèces uniques au monde, et 9 endémismes à aire restreinte (Armeria rothmaleri, Campanula adsurgens et Leontodon farinosum, entre autres).
- L’existence sur ces territoires d’un quart des communautés végétales visées par Directiva Hábitat para Galicia (dont 8 à conservation prioritaire), indispensables à l’inscription d’un espace nature au réseau Natura 2000 de l’Union Européenne.
Les atouts du point de vue zoologique
Les atouts de la faune y sont exceptionnels :
- L’existence de plus de 190 espèces de vertébrés, soit la totalité presque absolue de la faune terrestre des vertébrés sur le nord-ouest de la Péninsule Ibérique.
- L’appartenance de ces espaces à une IBA (Important Bird Area = zone importante pour la conservation des oiseaux), si bien que, selon la Directive sur les oiseaux, leur conservation est jugée d’intérêt communautaire par l’Union européenne.
- La présence d’au moins 8 espèces (le Percnoptère d’Égypte, le Circaète Jean-le-Blanc, le Busard cendré, l’Aigle royal, l’Aigle de Bonelli, le Faucon pèlerin, le loup et la loutre), parmi les18 vertébrés les plus utiles pour le système d’indicateurs de la faune applicable à l’aménagement et à la gestion de l’environnement sur la Péninsule Ibérique.
- L’existence d’importantes populations de chiroptères, y compris la colonie la plus nombreuse de Miniopterus schreibersi de Castilla-Leon et de Galice, qui est en outre l’une des cinq colonies les plus grandes de la Péninsule Ibérique.
- Le fait d’abriter l’éventail de communautés fauniques le plus riche de Galice et l’un des plus riches de Castilla-León, avec des biocénoses typiques des régions méditerranéenne et euro-sibérienne.
- La haute richesse des communautés de mammifères carnivores (le loup, le renard, l’hermine, la belette, le putois, la martre des pins, la fouine, le blaireau, la loutre, la genette et chat sauvage) qui y sont présentes.
- L’existence de communautés animales uniques dans des milieux anthropisés, ce qui devient un des rares exemples, en Europe occidentale, où la faune s’est intégrée à des milieux humains traditionnels à valeur ethnographique.
Les atouts ethnographiques et culturelles
- Les atouts liés au paysage y sont uniques qui relèvent de l’usage typique des systèmes agro-sylvopastoraux adapté aux différentes conditions du milieu montagnard.
- Les atouts culturels y sont également remarquables, aussi bien en ce qui concerne la préhistoire (tels les villages celtiques fortifiés nommés «castros» et les traces de gisements paléolithiques) qu’en ce qui concerne l’histoire (telles les empreintes de la romanisation et la poursuite du chemin de Saint-Jacques en Galice).
Le soutien du développement durable
Les Sierras de Courel et d’Enciña da Lastra ont encore des chances de bénéficier d’un développement économique durable si la Stratégie mondiale pour la conservation proposée dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), le Fonds mondial pour la nature (WWF) et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est mise en œuvre. Cette stratégie s’appuie sur les bases suivantes :
- Du soutien écologique pour que le développement soit compatible avec le maintien des processus écologiques, de la biodiversité et des ressources biologiques.
- Du soutien économique pour un développement efficace et équitable aussi bien intergénérationnel et qu’au sein des générations elles-mêmes.
- Du soutien social pour que le développement accroisse la capacité des gens à maîtriser leur propre vie et à préserver et à renforcer par là les identités communautaires.
- Le soutien culturel pour que le développement soit compatible avec la culture et les valeurs des personnes concernées. Par ailleurs, elles méritent d’être protégées conformément à l’esprit et à la lettre de la Loi 4/89, sur la Conservation des espaces naturels et de la faune et de la flore sauvages, remplacée aujourd’hui par la Loi 42/2007 sur le Patrimoine naturel et la biodiversité.
Le soutien scientifique de la campagne
Tous ces arguments scientifiques et environnementaux devraient suffire à ce que les institutions concernées décident de classer Parc Naturel les Sierras de Courel et d’Enciña da Lastra. Hélas, cela n’a pas été le cas, cependant la proposition de la SGHN a été soutenue par 50 chercheurs de l’Université de Leon (Départements de Biologie Végétale et de Biologie Animale), de l’Université du Pays basque (Département de Biologie Végétale et d’Ecologie), de l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle (Départements de Biologie Végétale, d’Écologie et de Géographie), de l’Université de Vigo (Faculté des sciences) et du CSIC (Consejo Superior de Investigaciones Científicas : Station biologique de Doñana, Real Jardín Botánico de Madrid, Instituto de Investigacións Agrobiolóxicas de Galicia).
C’est grâce à ces soutiens que la campagne entreprise par la SGHN a remporté un certain succès à ne pas négliger, malgré tout: par le Décret 157/2002 du 04-04-2002, la Consellería de Medio Ambiente de Galice a classé Parc naturel la Sierra d’Enciña da Lastra couvrant une superficie de 3 151 ha, une fois son projet d’aménagement des espaces naturels approuvé par le Décret 77/2002 du 28-02-2002. Cela a été sans doute une excellente nouvelle, car c’est ainsi que la Sierra de Enciña da Lastra, l’un des joyaux les plus précieux et les plus menacés du patrimoine naturel galicien, demeurera un espace préservé. (en savoir plus).
Text traduit par Sergio Méndez Fernández (étudiant du Degré de Traduction et Interprétation de l’Université de Vigo).